Qu'est-ce qu'un traumatisme, comment le prendre en charge (topo de base) ?

Delphine Masset

1/1/20253 min read

Le traumatisme qui n’était “nulle part” semble actuellement “presque partout”. Judith Herman nous rappelle cependant que toute remise en question de l’ordre établi se heurte à des résistances” Michel Schittecatte (Reconstruire après les traumatismes)

La question de comment prendre en charge les traumas est une vaste question. Dans un sens, elle n’est toujours pas résolue aujourd’hui car elle reste assez neuve, même pour le monde thérapeutique. Les protocoles de prise en charge sont encore aujourd’hui discutés, ce qui fait que cette analyse sera une recherche en cours, à réactualiser probablement rapidement.

En effet, si la prise de conscience de l’existence de trauma date de l’après guerre du Vietnam, si l’EMDR a fait ses preuves, particulièrement pour l’intégration des traumas récents dans la mémoire, la théorie polyvagale de Porges a récemment donné un coup de pied dans la fourmilière de la compréhension du système nerveux et, de ce fait, de la réponse traumatique.

Aujourd’hui, on peut comprendre le trauma ou la réponse traumatique comme une activation extrême du système nerveux sympathique, sans possibilité de réponse corporelle - comme la fuite, la lutte, la colère -, de sorte que le système nerveux disjoncte, et passe en réponse dorsale - réponse d’immobilité - sur le système parasympathique; non sans relance régulièrement de la boucle. Ainsi le trauma produit un corps en apparence immobile, et pourtant sur-activé intérieurement, mais dont la réponse sympathique est bloquée par la peur de mourir ou d’être atteint dans son intégrité. Cette peur peut être tout à fait “irrationnelle”, et être simplement réactivée par une série de signaux similaires au(x) premier(s) choc(s) ou stress.

Pour prendre l’analogie du système électrique, les stimuli traumatiques vont créer une “surchauffe” du système, qui va produire de la sidération ou de la dissociation (nous en reparlerons plus loin), pour couper les circuits. Le trauma peut aussi venir d'une ou plusieurs rétentions volontaires, pour des raisons de survies ou d'attachement, de certains mouvements. Ainsi, un petit garçon triste et tremblant à qui sa mère demande d'arrêter de pleurer va générer le mouvement suivant:

Pour arrêter ce processus naturel dans son soma, il a dû commencer à se contracter et à retenir tous ces tremblements et ces pleurs. Il a commencé à serrer sa mâchoire, à fermer les yeux et à maintenir ses bras le long de son corps, en les ramenant dans son corps. Il a commencé à respirer de façon superficielle. Il s'est resserré pour essayer d'arrêter tout le relâchement

Évidemment, si l'enfant vient de vivre une séquence très douloureuse ou si l'injonction est répétée des nombreuses fois dans sa vie, il y aura "trauma" au niveau du soma.

Ainsi, si le trauma est défini comme toute expérience qui dépasse les mécanismes d’adaptation habituels, il peut prendre différentes formes. Il existe des traumatismes dur ou doux, complexe ou de développement. Les traumas dit “durs” sont des traumas soudains, des formes de catastrophes dans la vie; les traumas dit “doux” proviennent de stress relationnels ou fonctionnels répétés.

Le trauma complexe se caractérise par des situations chroniques de violence, d'abus ou de négligence durant l'enfance, qui engendre des difficultés persistantes aux plans identitaire, émotionnel et relationnel.

Le traumatisme développemental crée une blessure interne qui peut durer toute une vie. Elle est subie par les personnes qui n'ont pas eu de parents capables de leur apporter affection, attention et surtout un attachement sain.

On parle par ailleurs de “trauma culturel”, de “trauma de masse”, ou de “trauma inter-générationnel”, pour qualifier le fait qu’un trauma pour toucher certaines communautés (le racisme, par exemple), l’ensemble des gens (le covid, par exemple), ou se transmettre aux générations suivantes (les traumatismes de guerre en font partie).

Stacy Haines prend quant à elle un peu de hauteur en requalifiant le traumatisme dans son environnement social. Celui-ci devient alors l'expérience ou la série d'expériences de conditions sociales qui brisent ou trahissent notre besoin inhérent de sécurité, d'appartenance et de dignité. "Il s'agit d'expériences qui nous amènent à devoir choisir entre un de ces trois éléments. Par exemple, cela peut nous laisser l'impact suivant : "Je peux être en sécurité mais pas connecté (isolé)", ou "Je dois renoncer à ma dignité pour être en sécurité ou connecté". Ceci est intenable, car tous ces besoins sont constitutifs ou inhérents à nous."

Au niveau corporel, les expériences traumatiques provoquent une contraction somatique et un "armure" musculaire qui ne répond plus à l'expérience du moment. "Cela signifie que lorsque nos réactions naturelles de survie ne peuvent pas être traitées jusqu'à leur terme au moment de l'événement ou des événements, ces réactions, et le façonnement du soi qui en résulte, se généralisent. Le soma s'organise autour des expériences et des réactions de survie capturées."